« Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! « Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »
Légende amérindienne
Privés de projets, et de visibilité, depuis le début de la crise sanitaire Covid, plus de 50 artistes, se sont mobilisés pour faire du centre-ville, et de l’île de Nantes, une galerie à ciel ouvert.
Pied de nez aux institutionnels, et nantais sidérés par le contexte actuel, l’expo « Pour l’amour de l’art » a été ouverte le 15 février 2021, jour de la St Valentin (fête commerciale « essentielle », selon le gouvernement).
Durant ce « road-trip » urbain, près de 200 œuvres ont été librement affichées, collées sur des murs, mobiliers urbains et supports divers.
Sur les rivages du cœur, découvrons cet éphémère et « colibriesque printemps des arts »…
Pourquoi cette expo sauvage ?
Dans le choix de son nom, comme celui de la date d’ouverture de l’évènement, ce collectif tenait, ironiquement, à partager sa précarité et sa détresse (revenus et aides aléatoires, liés à la vente de leurs œuvres…).
Comme leur oiseau-mouche emblématique, ces « colibris » doivent, littéralement, pouvoir « se nourrir de leur art », ainsi que l’évoquent, symboliquement, les « Petits LU » de Physalis (artiste découverte lors de l’expo « Golden Age »).
Plus sensiblement, l‘expo visait aussi à rappeler la force vitale de leur travail, pour eux-mêmes, et en tant que bien commun créatif.
Cette force créatrice semble l’essence artistique même, i.e., de manière ambivalente : besoin inconditionnel d’exister par soi-même, mais avec une reconnaissance populaire et hors des « contrôles » institutionnels (transposée sur le plan physique, cette pirouette comportementale est d’ailleurs analogue à celles de leur animal-totem …^^).
Sans comparaison avec l’histoire d’amour du film américain éponyme, de 1996, « Pour l’amour de l’art » s’appréhende comme une narration romantique, au sens culturel du XVIIIème.
L’expo traduit ainsi, de manière passionnée, le cri du cœur des artistes, révoltés par la perte de leur statut de « moteurs culturels », et le sentiment d’être, selon leurs termes, « mis au placard ».
« L’art , et rien que l’art, nous avons l’art pour ne point mourir de la vérité » (F. Nietzche)
Physalis-Pour l’amour de l’art-Fév.21©CuriousCat Kocham-Cie-Rzeka_art-Expo-Pour l’amour de l’art-Fév.21©CuriousCat Physalis-Pour l’amour de l’art-Fév.21©CuriousCat Sébastien Bouchard-Pour l’amour de l’art-Fév.21©CuriousCat Grm1-Expo-Pour l’amour de l’art-Fév.21-©CuriousCat
A l’instar de la métaphore des poupées russes, ci-dessous, « faire sa part » consistait certainement aussi à :
- transcender, picturalement, l’espace urbain (formes insolites, joyeuses couleurs…),
- faire œuvre d’art, dans des lieux accessibles à tous,
- favoriser la réflexivité (comprendre, formuler et interpréter le monde et les rapports humains),
- nourrir l’intériorité humaine, pour ouvrir des chemins de pensée, par une spiritualité esthétique et onirique,
- trouver un langage commun et créer une médiation citoyenne active, en attendant la réouverture des lieux culturels.
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